Bienvenue à la Rédac' Cirque

Comité de rédaction d'AY-ROOP

A la Rédac’ Cirque, on vous raconte AY-ROOP autrement ! Les spectacles, les montages, les anecdotes… les rédacteurs bénévoles de la Rédac’ Cirque dévoilent leurs ressentis, leurs sentiments, leurs expériences sur la saison et le festival !

Bonne (re)découverte de l’univers d’AY-ROOP et un grand merci à nos rédacteurs en herbe !

Si vous aussi vous souhaitez intégrer l’équipe de super bénévoles qui fait vivre la Rédac’ Cirque, n’hésitez pas à nous contacter : communication@ay-roop.com

22 juin 2024

ATTENTION SOL INSTABLE

SAMEDYNAMITE - INSTABLE

Collectif Sismique

Instable © Nathalie Sazonoff
ARTICLE DE LÉNA MORICEAU

Born to be alive

1. Un décor
Un sol de pneumatiques surmonté par un ensemble de fines planches de bois brinquebalantes. Ça plie, il y a des trous et des clous. Pas très stable, tout ça. Puis, un pneu tout seul : monter dessus.
Une phrase jaillit du public : « tu vas tomber! ». Rires. Et il tombe. Un corbeau passe « croaaaaa ». Rires.
2. Une entreprise
Entreprendre le montage d’un mât chinois en équilibres et déséquilibres. Comment garder l’équilibre quand les fondations sont instables ? Tomber pour mieux rebondir. Se servir du sol imparfait et en faire un spectacle. Il tombe avec son mât. Un corbeau passe « croaaaaa ». Rires.
3. Observer l’effort
On le voit lutter, batailler pour parvenir à hisser ce mât. Homme seul face à l’impossible. et là, depuis un balcon dans le voisinage : « Born… Born … Born to be alive! ». Son entreprise est elle vaine ? Suis-je une sadique ? Et ce rire de la spectatrice, comme le signal qui nous autorise à relâcher la tension. Même la balançoire 360 m’a moins tendue (cf. Spectacle précédent « la balançoire géante » par la Volte-cirque). Tendre la corde pour la faire passer dans un petit trou. Encore un défi exagérément modeste. Et là, pendant la pause, depuis le balcon : « To be alive ! To be alive ! To be aliiiiiive ! ». Enfin, monté sur son mât. Illusion de stabilité ? D’immuabilite ? « Croaaaaa ». En fait, le cri vient de la sono. Le mât ne tient à présent qu’à un pneu. Rire de la spectatrice. « Souffle ! », lui dit-il.
4. Nos vies mutables
Le mât est en fait dressé de manière à ne jamais être fixé. Les cordes sont à moitié tendues. C’est la démonstration de nos vies qui ne sont jamais fixes, qui ne tiennent qu’à un mât et 3 fils. L’instant présent : profiter de chaque seconde, une par une. Et toujours les affronter. Recréer de nouveaux instants du présent. Et les vivre. Tout est à reconstruire à chaque instant. Utiliser le bric et le broc, les clous au hasard, pour y accrocher une corde. Tout essayer. Ne pas renoncer. Défi, volonté, moment présent.
5. Plier mais ne pas rompre
Quand ses mains le portent tout en haut, il perd pieds dans le vide. Le sol de pneus se gonfle. Il est sur son radeau dans une mer de pneus. C’est la tempête, les vagues le bousculent. Il chute et rechute. Et il arrive enfin au sommet. Accomplissement. Quelle tension, quel suspense ! Le collectif sismique (individuel) nous plonge ici dans un océan d’incertitude. Le résultat apparemment impossible est rendu possible par la persévérance de l’artiste. C’est la radicale volonté d’un individu qui se confronte à la construction de son monde, qu’il aime à ne pas fixer trop vite. Tout réside dans le chemin, pas la destination.
Merci pour l’aventure, on peut à présent souffler.

22 juin 2024

SAMEDYNAMITE - Un genou en moins ?

SAMEDYNAMITE - DON'T WORRY

Cie du Long Raccourci

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU

Ode à nos genoux

1. Deux estropiés…
L’un sourit, l’autre pas. Une jambe raide. Chorégraphie de bras et mains, expression de joie feinte sur « Don’t worry, be happy ». Il est heureux, elle ne l’est pas. A la fin de la chanson, sa jambe à lui est réparée. Elle n’a pas cette chance. Bien encombrante, cette jambe raide. Cela dit, les prouesses qu’elle exécute semblent infinies, malgré cette relative contrainte.
2. Boîtes d’allumettes en château de cartes…
Et balles de jonglage. Grâce à lui et à son attention, elle retrouve sa jambe mobile, et le sourire. Figures à deux toutes en carré et en genoux, araignée à plusieurs pattes, casse-tête chinois qui se fait et se défait. Tout semble fluide, ils sont géométriquement complémentaires.
3. Tableau d’un ménisque en vacances…
Démonstration en briques et balles de la fonction du ménisque. Jonglage au carré qui illustre l’imbrication des os et du ménisque entre eux. Puis, histoire de ligaments croisés. Les ligaments, c’est elle. Lui, c’est le ménisque.Tous ces gestes qu’elle ne pouvait plus faire, retrouver centimètre par centimètre, avec une patience infinie, la pliure. Grande précision dans la danse du genou. Discours intérieurs des sensations et interrogations sur cet outil de travail : que faire quand on a mal au genou ? Le cauchemar de l’opération, la peur de perdre sa jambe… Pour rien car il n’y aura pas d’opération.
4. Parlons de nous, parlons genoux
Avoir un bon genou, c’est :
– Se reposer, pour mieux se remettre.
– Laisser filer le ménisque, pour mieux le remettre en place.
– Se rendre à l’évidence.
– Accepter d’être fragile.
– Accepter la réalité.
– Laisser couler.

Et finalement, avec grâce, ils nous saluent souplement.

22 octobre 2023

LA JUNGLE JONGLÉE DE FABRIZIO SOLINAS

SAISON CIRQUE 23/24 - LITTLE GARDEN

FABRIZIO SOLINAS

LG SOLO© LAURA CADORNA
ARTICLE DE LÉNA MORICEAU
Le petit zoo de Fabrizio
Little Garden, c’est Jurassik park sur un tapis de danse.
On se projette dans un cabaret fantastique présentant une série de créatures plus réalistes les unes que les autres. Ou dans une réserve naturelle pour la sauvegarde des bêtes les plus fascinantes. Ou encore dans un cinéma miniature où le son suffirait à reconnaître les animaux imités. On assiste aux déambulations fabuleuses et aux cris incroyables de la sirène otarie jongleuse, l’oiseau qui fait sa cour, le tyranosaure qui veut se faire des amis, le serpent, la grenouille, le velociraptor en visite dans le futur, le gorille malicieux qui veut jouer avec le public…
Les adultes s’esclaffent autant que les petits. Sommes-nous toutes et tous des animaux en mal de jeu ? La jongle est le prétexte pour faire se mouvoir les articulations et les yeux qui se mettent au service des imitations. À la fin, un humanoide avec sa voix déraillante tente de reprendre une place trouble dans l’humanité avec ses sentiments et sa verticalité. On aimerait continuer à rencontrer toutes les facettes de la zoothèque de ce caméléon imitateur et bruiteur de génie, et le regarder encore faire des cercles avec son buste autour de sa tête immobile, les yeux plantés dans les nôtres, tel un rapace en chasse, terrifiant !
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4 juin 2023

RETOUR D'EXPÉRIENCE - MONTAGE DE CHAPITEAU

TEMPS FORT CIRQUE 2023 - MONTAGE DU CHAPITEAU

AVEC UN LOUP POUR L'HOMME

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU
Monter un chapiteau, une expérience à prendre à bras le coeur
Monter les lumières ? Facile, avec une équipe pareille ! La 61 qui va dans la prise numéro 8, et la 60 qu’il faut bien serrer avant de monter au plafond. Ah non pas monter, lever ? Ces termes techniques… non vraiment pas possible de tout retenir. Mais une facilité à comprendre ce qu’on me demande pour monter ce chap’. De l’effort physique dans le plaisir de l’échange. Je me sens entourée et valorisée. Tout se passe en équipe dans la vigilance et la sécurité pour les pieds et les têtes, beaucoup d’attention nécessaire pour les uns et les autres.
Puis dans la salle d’Ayroop, il faut démonter le spectacle, à peine celui-ci terminé tout en préparant le terrain pour les 2 prochains à venir. Que d’énergie en peu de temps. Il faut être très attentif et se montrer disponible pour que toute cette machine fonctionne. Mais quel plaisir d’accompagner l’équipe composée de techniciens réguliers ou en renfort et des régisseurs des compagnies accueillies. J’ai appris encore du montage de lumières et de gradins en bois, les planches 1 et 4 et 3 et 2 (oui oui, elles sont bien dans l’ordre !). Ou encore le jeu du balai pour scotcher le tapis, virtuosité en binôme, plutôt sympa comme exercice ! Et aussi, déplacer le rideau du fond de scène, une vraie aventure où la vigilance et l’écoute sont les seuls gagnants. Mais encore une fois je me suis sentie soutenue, heureuse de soutenir, contente d’être là. Bienveillance, gentillesse, bonbons et petites blagues, j’ai appris bien des choses, et j’ai été drivée comme tout salarié le souhaiterait. Vive le cirque et vive l’esprit « festival ».

Les 9 et 10 juin 2023

CORPS À CORPS AVEC UN LOUP POUR L'HOMME

TEMPS FORT CIRQUE 2023 - CUIR

UN LOUP POUR L'HOMME

Cuir-©-Edouard-Barra-1
ARTICLE DE LÉNA MORICEAU
La peau
Cuir est une expérience qui ne peut laisser indifférent. Les premières scènes peuvent mettre mal à l’aise. Affublés de harnais, 2 athlètes masculins s’affrontent dans un jeu de dominant/dominé. On y retrouve une figure mythologique mimée subtilement et avec humour et des confrontations physiques brutales. Leur relation semble constituer une lutte intense. Les harnais servent de prise sur l’autre pour se porter, se supporter, s’équilibrer, se rejeter, s’utiliser, se soumettre, s’appuyer littéralement sur l’autre, se tenir. Tenir l’un à l’autre ? Puis vient une danse douce qui les réunit, rompt avec la confrontation virile et relâche la tension de la première partie pour assumer une grande sensualité. Le décalage avec la première proposition arrache des sourires dans le public. C’est très beau à voir et on le vit en symbiose avec ce duo. Puis viennent d’autres portés moins confrontants mais tout aussi difficiles. Le moment où ils s’essuient l’un l’autre avec une serviette est troublant et poignant. Leur lien est mêlé d’attraction/répulsion, de désir. La sensation de malaise du début se transforme en impression douce avec beaucoup d’émotion retenue jusqu’à la fin. Les petits moments de décalage humoristique mériteraient encore plus de mise en lumière pour compenser la tension dans ce spectacle dont le propos est très intime et confrontant. C’est un parti pris qui prend aux tripes et donne quelques frissons. Leurs regards échangés resteront gravés.
Dans l'espace - Cie Un Loup pour L'homme

Du 7 au 11 juin 2023

À LA RECHERCHE DE L'ÉQUILIBRE AVEC UN LOUP POUR L'HOMME

TEMPS FORT CIRQUE 2023 - DANS L'ESPACE

UN LOUP POUR L'HOMME

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU
Tout tenter et se laisser tenter 
Dans l’espace du chapiteau, on assiste à une suite de scènes qui mélangent figures de haute voltige et agrès. Les portés de main à main, sauts, roulades et danse voltige se forment grâce à une pierre, une barre suspendue ou en équilibre et des sacs de sable. En utilisant la contrainte et la difficulté à travers ces agrès, en se lançant des défis à soi même ou aux autres, les acrobates inventent en jouant avec les limites. Risquer d’être percuté par la barre, risquer de tomber de la pierre, risquer de toucher le plafond, y aller jusqu’au dernier moment. Dans ce jeu qui se réinvente à chaque scène par élipses, on voit s’inventer de nouveaux mouvements à l’infini. On retient son souffle et on finit par se relâcher quand les interprètes se relâchent aussi. On assiste à la recherche de complexité des artistes parfois face à eux mêmes, parfois en duo, par accélérations ou décélérations. Les efforts sont fournis tout en muscles et en fluidité. C’est un spectacle ludique, plastique et élastique. Le jeu lumière/obscurité rythme les efforts. Le moment du tracé du sable en rosace sur le sol est un instant de grâce, le sable devenant le revêtement du sol pour un nouveau paysage visuel. Et cette idée de l’échelle sur laquelle on peut monter jusqu’au plafond et qui finalement se retrouve suspendue… tel est pris qui croyait pendre.

7 juin 2023

FICTION SONORE AVEC MMFF

TEMPS FORT CIRQUE 2023 - DANS MA CHAMBRE #3

MMFF

Dans ma chambre #3
ARTICLE DE LÉNA MORICEAU
Dans ton micro
Tu veux faire de la radio ? Tu aimes enregistrer des sons bizarres et jouer avec ta voix ? Tu aimes la spontanéité des conversations hasardeuses avec des inconnus ? Viens voir Dans ta chambre, je te promets que tu ne seras pas déçu. Un poil de psychothérapie et un petit peu de cirque mais surtout de l’image sonore, de l’imagination et beaucoup d’humour. Un spectacle à voir ou à écouter. Un moment croustillant et détonnant qui nous met face à l’aléatoire d’une histoire sans queue ni tête.
L-ART-DU-RIRE_ 1HD

6 juin 2023

MASTERCLASS DU RIRE AVEC JOS HOUBEN

TEMPS FORT CIRQUE 2023 - L'ART DU RIRE

JOS HOUBEN

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU

De l’art ou du poisson ? 

Jos Houben nous livre une conférence clownesque bien ficelée sur l’art de faire rire un public. Le corps étant le support de notre humanité, sous une apparence affable, il s’en sert sans hésiter pour nous surprendre. Ce décalage entre son corps et son discours est tout à fait réjouissant, dans la veine de l’humour britannique.

Notre corps est composé de 3 niveaux, chacun ayant une fonction définie et indiquant nos intentions réelles dans la communication. Nos marches évoluent avec l’âge et notre état hormonal voire d’ébriété ! Tout est question de dignité, de verticalité qui nous donne cette contenance à tout prix. Pour éviter le ridicule et détourner le regard de l’autre. Ou s’y plonger? Les chefs qui sont détendus et immobiles dans leur satisfaction béate. La tension dans les muscles qui trahissent notre rang inférieur. Ce qu’on veut voir finalement chez les autres c’est notre propre fragilité qu’on cherche à cacher. Puis vient l’anthropomorphisme, cette manie d’imiter les animaux. Quel bonheur. Puis imiter un fromage ? La meilleure idée. La conférence se transforme en crise de rire de plus en plus bas vers le sol. Vers notre indignité. Vive l’horizontalité, seule capable de nous faire lâcher prise avec le sérieux.

Ce numéro subtile et terriblement efficace est un bijou de plaisir et d’intelligence analytique, sociologique et psychologique. On y apprend, toute ouïe et plié en 2, un bout de ce qui fait notre humanité.

Léna Moriceau

3 juin 2023

NOS MAMIES FONT DU CIRQUE AVEC UN LOUP POUR L'HOMME

TEMPS FORT CIRQUE 2023 - PROJET GRAND-MÈRE OÙ ``J'AURAIS TOUJOURS DES RÊVES, MAMAN``

UN LOUP POUR L'HOMME

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU

Porter et être porté

Ce spectacle raconte d’un côté ce que constitue un porté pour des acrobates, ce que ça implique, ce que ça veut dire. De l’autre, des accompagnants racontent ce que cela représente d’aider des personnes âgées en ehpad. Nous sommes plongés dans un rapprochement de deux humanités, celle qui porte et celle qui a besoin de soutien. Ce projet, issu d’une résidence de 3 ans, aboutit sur la démonstration en improvisation de portés entre un porteur, artiste circassien, et 4 femmes de 62 à 78 ans. Parfois avec une chaise, parfois plusieurs ou même une pyramide de chaises, ou sur un petit socle, ou sans, le porteur accompagne ces femmes dans des équilibres et des prises de risque dans une confiance mutuelle. On sent l’émotion dans la démarche de ces femmes qui se sont racontées en toute franchise, disant leur(s) passion(s), leur légèreté, les traces des difficultés, dans le corps ou bien la charge mentale. Le porteur leur permet de vivre des portés dans la fluidité et la facilité, pour enfin se décharger. Les équilibres sont des métaphores de la réciprocité dans les relations. Une belle aventure qui touche assez directement et nous rappelle que l’âge n’offre que des possibilités et que l’on peut toujours repousser ses limites. On se met à la place de ces femmes qui nous offrent un sentiment puissant de vie et d’être en lien avec les autres. Un lien physique et émotionnel, mais surtout universel.

Léna Moriceau

Mousse - Cie Scratch@ CIRKOPOLIS festival

1er > 11 JUIN 2023

LE JONGLAGE À LA BELGE DE LA CIE SCRATCH

TEMPS FORT CIRQUE 2023 - MOUSSE

CIE SCRATCH

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU

Des balles de rire

Pour voir Mousse, le public est installé dans un bel écrin de verdure à Acigné face au soleil couchant. Une attente douce pendant que les deux artistes sur scène jouent à démarrer le spectacle. Il allume la musique puis l’éteint. Elle hésite à démarrer, elle démarre mais en hésitant. Les deux artistes proposent un solo avec l’appui d’un ami en 18 parties. Il s’agit de parler de solitude sur scène, face au public, en tournée, dans la vie, dans les loges, dans les bons et les mauvais moments. En toute complicité, ils racontent leurs numéros de jongle au micro pour être compris. A travers des gags absurdes de chutes de balles, de jardinier qui arrose sa plante, d’eau qui arrose le partenaire, de chanter ses chansons post-ruptures au karaoké, il s’agit de chercher faussement la performance au service du rire. A un moment donné se pose la question de se contenter du vide. Etre là, juste exister. Le public est balloté entre la surprise, l’enthousiasme et le rire, beaucoup de rire. C’est une poésie à la fois joyeuse et mélancolique de deux êtres complices qui se livrent à notre jugement. En se montrant vulnérables et en tentant de tout relativiser, ils déroutent et finissent par toucher droit au cœur. Après les applaudissements, la partie 5 du spectacle est proposée en surprise, c’est une magnifique danse avec les balles en point magistral pour le plus grand plaisir du public.

Léna Moriceau

28 mars 2023

LE VOL D'ÉTOURNEAUX DE LA CIE XY

NOUVELLES PISTES 22/23 - MÖBIUS

CIE XY

Mobius - Cie XY © Cholette - Lefébure
ARTICLE DE LÉNA MORICEAU

La force du collectif

L’ensemble des 19 circassiens danseurs sur une vaste scène blanche se présente comme un groupe d’êtres vivants d’une espèce à part. Ils proposent une succession de portés acrobatiques dansés d’une haute technicité qui atteignent des sommets vertigineux. Ils nous tiennent en haleine jusqu’à la fin avec une pyramide créée grâce à  un escalier humain. La danse est à la fois ancrée et aérienne, elle constitue le liant fluide au service des acrobaties. La sensation globale est celle d’une matière vivante, grouillante et libre. Quel plaisir de voir ce grand nombre d’interprètes sur un plateau. On a l’impression d’assister au ballet virtuose d’une nuée d’oiseaux orchestrant la démonstration de sa puissance poétique. Möbius est ce symbole d’un ruban fermé en torsion qui a inspiré la pièce : il existe, si on le décide, un chemin qui permet de passer sans rupture de la nature à la culture. Autrement dit, le monde inclut la nature et la civilisation sans discontinuité et il nous appartient, quelle que soit l’espèce à laquelle on est affilié, de faire vivre cette unité. Dans leur admirable unité, la compagnie XY démontre la force du collectif. Celui-ci met en valeur les individus dans une composition équilibrée entre solos et ensembles. Ils.elles sont chacun.e une cellule du corps commun. Ils sont « inter-aidants » : le collectif porte chacun.e, apporte de la solidarité quand l’un.e devient plus vulnérable, permet d’être ambitieux, de prendre des risques grâce aux liens formés. Cette idée rend l’espèce humaine plus humble. De surprise en surprise, de remontée d’organe en larme de soulagement, Möbius se déroule de façon magistrale et imprime sa marque.

Léna Moriceau

21 mars 2023

DU CIRQUE VENU DU SÉNÉGAL

NOUVELLES PISTES 22/23 - MAN FAN LAA

CIE SENCIRK

ARTICLE DE LÉA RABUSSEAU

Découverte de Man Fan Laa, un cirque sensible et puissant

Sous une lumière tamisée, j’aperçois une pyramide constituée de barres de bois, dans laquelle cinq acrobates s’éveillent. Les bras s’ouvrent peu à peu, les corps se séparent, grimpent puis redescendent, au rythme des percussions de plus en plus présentes.

Ce dont je me rappelle, c’est la puissance de ce son ainsi que celle des acrobates de la compagnie Sencirk. Mais aussi les chants, les paroles, qui me transmettaient cette énergie, le calme, la douceur, les doutes ou bien la force et la joie. Les spectateurs eux, n’ont pas hésité à encourager les artistes, face à leur performance éclatante. J’avais d’ailleurs devant moi, l’un de leur ancien professeur, très ému de les voir en scène et dansant avec eux depuis son siège ! Intrigant par leur mélange d’objets du quotidien (propres de la culture Wolof), de break dance, de danses traditionnelles ainsi que de cirque, ce spectacle m’a paru aussi impressionnant que touchant.

Léa Rabusseau

10 et 11 novembre 2022

LA VIE JONGLÉE DE MARTIN PALISSE

NOUVELLES PISTES 22/23 - TIME TO TELL

CIE L'UNIJAMBISTE - MARTIN PALISSE / DAVID GAUCHARD

Time to Tell © Christophe Raynaud De Lage
ARTICLE D'HÉLÉNA PINEL

« Ma maladie, je ne sais pas si c’est une contingence ou une nécessité. »
Martin Palisse

Lorsque nous entrons dans la salle pour voir Time to tell de la compagnie L’Unijambiste, nous nous asseyons sur des gradins placés face à face. Entre les deux, un rectangle blanc éclairé et longé par des fluos. Sur ce rectangle est posé une caisse bleue, un micro et un tourne disque. Martin Palisse entre habillé d’un débardeur et d’un short noir, le corps constellé de tatouages. Il nous regarde, s’assoit sur la caisse, sort des balles bicolores blanches et noires et des balles unis, prend le micro et commence à nous raconter son histoire. Avec sa voix et des enregistrements, nous en apprenons davantage sur sa maladie : la mucoviscidose. Quel est son rapport avec elle et quel est celui avec la jonglerie, seule activité physique qui ne le mène pas à bout de souffle ? Dès lors, nous sommes entraînés dans un flot d’anecdotes, d’expériences, de sensations mais surtout, nous sommes entraînés dans des moments hypnotiques où jongler est aussi instinctif pour Martin Palisse que marcher ou faire du vélo pour autrui. Il jongle de façon minimaliste, il court, il tourne jusqu’à la limite de son souffle ou jusqu’au bord de la transe. Nous assistons à une sorte de thérapie par la balle où jongler et parler délivre Martin Palisse de ce qu’il peut vivre quotidiennement.

Héléna Pinel

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU
Des balles pour le dire
Des bancs de spectateurs se font face. Qui est sur la scène ? Martin Palisse vient nous parler de sa maladie, la mucoviscidose. Le nom ne vient pas tout de suite car elle ne doit pas prendre toute la place. Il a hérité du combo génétique qui fait que. Lui et pas son frère, et pas sa sœur. Comment il définit cela. Est-ce une contingence ou une nécessité ? Il amène un débat philosophique qui lui permet de se positionner dans le plaisir du travail physique avec les balles de jonglage comme outils. Et on se met à sa place. Se succèdent des scènes qui illustrent le propos : la concentration/contrôle, la danse/lâcher-prise, le sport/défoulement, la transe/dépassement de soi. Chaque effort physique lui coûte : 100% de respiration pour lui, c’est 61%. Il prouve qu’on peut se surpasser malgré les limites fixées par les médecins. Évoquer la performance des tests, les piqûres jusqu’à en développer une phobie, à force. Dire merci au système médical solidaire grâce auquel il peut vivre. Littéralement. Admirer sa lucidité, son courage et sa détermination. Est-on vraiment plus limité, en tant que malade ? N’est-on pas, quelle que soit sa condition, son propre détenteur de liberté ? Pour détourner la fatalité, les balles façonnent une trajectoire, celle du petit Martin à l’hôpital et du grand Martin de 41 ans. Un récit émouvant, dessiné géométriquement par les balles noires et blanches, même si tout ne l’est pas, enfin ça se discute.
Léna Moriceau

27 octobre 2022

PREMIERS RÉCITS DE LA RÉDAC'

TOUT / RIEN

CIE MODO GROSSO / ALEXIS ROUVRE

ARTICLE DE LÉA RABUSSEAU

Quand je suis allée voir Tout / Rien, je n’avais rien lu ou vu du spectacle, j’ai fait le choix d’y aller à l’aveugle, par curiosité. Nous étions placés dans un petit gradin, dans un cadre intimiste et une atmosphère calfeutrée, dans le noir. Le spectacle m’a d’abord paru étrange en voyant Alexis Rouvre, assit derrière sa table de manipulation en train de tricoter. Puis c’est devenu hypnotique lorsque j’ai remarqué que tous les spectateurs fixaient la manipulation très précise du fil dans le calme absolu. Je me suis aussi laissée porter par le son produit par les chaînes en mouvement et les jeux de lumière. Toutefois, ma surprise ne fut pas dans l’apparition ou la disparition magique des objets, mais au contraire que l’artiste nous invite à deviner comment chaque chose se fait. Les objets ne nous sont pas étrangers, du tricot aux tasses, en passant par les chaînes et les aimants. Je me suis surprise à laisser vaquer mon imaginaire et à m’émerveiller, alors même que j’avais conscience des ficelles de l’artiste ! De même que le jeu du caché-montré et de la lumière éteinte-allumée pour changer les objets de position nous ont vraiment fait rire. Ce spectacle m’a permis de découvrir le cirque d’objets avec plaisir et de voir comment la poésie peut émerger de ce « rien ».

Léa Rabusseau

ARTICLE DE LÉNA MORICEAU

Tout / Rien, d’Alexis Rouvre, c’est un spectacle de magie en clair-obscur qui donne à voir des objets-matériaux sur un petit plateau en demi-cercle, sorte de mini arène de cirque. RIEN que le moment où l’on entre sur le plateau, ça fait TOUT.
Tous les spectateurs sont invités à entrer d’un coup. Je me sens comme une petite souris qui va se trouver une petite place dans cette pièce sombre. Tous font silence dès le début. Impressionnante écoute de tous ces enfants pourtant si impatients d’entrer.
L’effet de surprise est efficace. Une toile tissée d’un fil interminable, des chaînes de perles versées dans des tasses métalliques, des pendules qui se balancent, des pierres jonglées, des aimants presque vivants… Ces matériaux prennent vie et nous invitent à les contempler dans une atmosphère intimiste. Succession de tableaux visuels et sonores dans la pénombre. On sent l’espièglerie et le goût de l’expérimentation scientifique de cet artiste manipulateur de matériaux et de nos sensations.
Il y a cet instant de surprise où je me demande d’où viennent ces bruits de pluie torrentielle tout autour du public. Le fait d’être dans le noir complet impressionne et renforce le volume sonore. Je me sens à la fois captive et privilégiée d’assister à ce moment, un cadeau sensoriel.
Un autre moment marquant est le passage d’un tableau à la lumière cuivrée qui neutralise les couleurs à un tableau aux couleurs vives. Comme une peinture de nature vivante. Bluffant.
C’est finalement la lumière qui crée la magie et l’obscurité qui illumine les sons.
Avec mon regard d’enfant, j’ai eu envie d’aller explorer son arrière-boutique qu’est sa table de jeu, son petit laboratoire. J’ai eu envie de jouer avec les aimants et de trouver les boutons qui déclenchent la magie… Et en même temps, entre-apercevoir les secrets des mécanismes sans vouloir toucher à rien. Comprendre le déclenchement du coulant gravillonneux de ces chaînes de perles interminables qui se déversent d’elles-mêmes sur le sol, jouer avec les tasses, la pelote de fil, les cailloux qui font de la poussière… Tout ça donne envie d’aller mettre les mains dans la matière et d’aller créer soi-même des scènes de magie visuelle et sonore.
L’idée globale que je retiens est l’expérimentation de formes et d’effets à partir de différents matériaux, expérimentation dans laquelle l’artiste joue à se perdre, apparaître et disparaître, faire partie des matériaux et parfois les laisser prendre vie et mener leur scénographie.
Un moment de grâce et de jeu qui invite à la curiosité et à la sensorialité.
Le temps qui passe très vite dans ce spectacle est rythmé par les petits sons métalliques et légers de ces objets. Je dirais que le temps s’égrène perle après perle, dans la contemplation des formes, des ondulations, des balancements. La lumière-pendule de la fin illustre bien cette métaphore dramatique du temps qui passe au rythme du balancier. Le temps qui passe et comment on l’occupe.
Ces perles seraient donc les marqueurs du temps. Marquent-elles l’ennui, celui qui invite à créer ?
Les spectateurs, dans le silence et la discrétion, ne semblent pas s’ennuyer du tout.

Léna Moriceau